SERREMENT










Rupture soudaine
Les nues s'épanchent
De leur œil tombent des flux gris-vert, gris
Ciment liquide comme la rage
La mer s'oublie, plus de limite sensible
Entre le ciel et l'eau
L'espace s'étrangle
Vomit sa langue au sol et dans les airs
Au creux des épaules les cous s'enfoncent
Surpris d'avoir pu si facilement oublier
Qu'il n'est de douceur que dans l'éphémère
Plus de limite sensible entre le ciel et l'eau
Qu'allons-nous pouvoir croire ?
Priant dans les alcôves
Pour la clôture de nos destins tronqués
L'eau et les odeurs des passés qu'elle baigne
Chaque goutte tombée sur nos voies craquelées
Nous enfonce un peu plus dans un savoir
La grande moisissure nous recouvrira
Un jour
Nos lits, nos peurs, nos morosités capricieuses
Et au règne végétal  raccordera nos songes










Novembre 2016







ELAN
















Alors soudain 
Et pendant des heures
Tout coule
Les murs striés de suie
Les épaules du zamana immortel
La peau laineuse du fruit à pain se fripe
Les rigoles charriant d'anciennes épidémies
Et la lune
Tout fond sous la masse bleu furtif des eaux célestes
Le seul espoir
Le seul
Sous cette plongée
Sans l'équipement savant de la décompression
Le seul appui 
Est là
Quelque part derrière ce béton liquide
Devenu si outrageusement présent
Une pastille
Une marque
Une imperceptible zébrure
Qu'on crée plus qu'on la désigne
Dans un ciel qui
Va bientôt
Bientôt
Rappeler la meute aquanaute au bercail de sa désinvolture
Loin des catastrophes et des prières
Se pousser une nouvelle fois au centuple
Et ouvrir 
Après avoir tant perdu ses eaux
Et ouvrir en quelques secondes
Son ventre encore couvert d'hématomes
Son ventre ingrat
Aux empires mordants
Des seuls soleils








Septembre 2016


PROPULSION





Derrière les astreintes usées des familles
Brutalement
Se hérisse une grande colère
Plus radicale que les armées criminelles
Un souffle guttural qui abonde au Levant
Enveloppe chaque arbre de sa main d'acier
Brandit dans sa précipitation
Les nuages éventrés
Le grondement de ses chars gris-perle laisse les mains immobiles
Qui allaient maintenir leur certitude attachée aux usages
L'indifférence et l'habitude tournent un peu leur nuque
Vers les cieux qui
Sait-on jamais ?











Septembre 2016





MARQUE






Chaque lieu de l'air est saturé
Pressentiment, irritation
L'esprit cyclonique excite les enfants
Les mornes s'affaissent sous sa passion maligne
Les humains pourraient s'entretuer
Autour et en chacun, inséparables
Sont les devoirs rendus aux forces des espaces
Nous pourrions secouer la tête
Tenter de nous en débarrasser
Mais aucune cellule de nos corps
Ne peut rester bouche close
Adonnée qu'elle est à rejeter
Les catastrophes possibles









Fort de France

Août 2016 















FASCINATION











Peau de cendres
Peau de caramel
Peau ambiguë
Peau des nuits bleues
Peau de feuille tombée
 Lumineux roulements des muscles soyeux
Peau d'avant le soir
Lisse aux vents des paysages
Peau hautaine
Peau douce et sucrée à la pupille
Derrière leur commerce
Les corps infinis ont enflammé les désirs des marchands d'âmes
Leur beauté dangereuse les provoquait en silence
Frapper parfois suffisait à ne pas s'y perdre tout à fait










Août 2016







SOUFFLE










Lorsque le soleil a enfin terrassé notre orgueil
Il nous rappelle à l'ampleur
Tapisse à pleines paumes
Nos peaux fatiguées
La douceur. La douceur
Effleurant chaque épaule
Offrant à tous l'excroissance de l'air
Avec une méticuleuse équité











Fort de France
Juillet 2016

TRACE














Le ciel se fend
Libère des raz-de-marée élégants
Verticale est la mesure
Et sur les bords humectés tout attend
Les oiseaux s'étonnent une fois de plus d'être devenus muets
Ni chaud ni froid est le déluge
Bref aussi
Personne ne pleure
Car l'espoir est là, que dans le fond de quelques flaques
Git, bleue et rousse, l'éclaircie










Juin 2016






BOUSCULADE




Ses trente-quatre degrés Celsius en berne
L'air continue de se dissoudre 
Enfin, goutte à goutte il chute au sol du soir
Et laisse de son épreuve le seul souvenir d'un marbre fumant
La nuit s'étale en gémissant
De sa lubricité sortent des mèches de vent dissipées
Chacun les caresse
Vaincu à peine
Le soleil n'a pas d'allié
Il reviendra demain
Seul contre notre entendement
Pavé des bonnes intentions de la fin du monde






Avril, le 28 2016
Martinique 34° Celsius




PRESSENTIMENT




Au bord d'un pas à pas délicat, incertain
Les limites vibrent et s'assouplissent
Une leçon d'accueil
Et l'improbable générosité du moment
Si peu à oublier pour se laisser envelopper
Une majesté palpable 
L'improbable
Là où nul ne siège
Que la force vive de tout ce qui s'ignore
La force immuable de la pureté des choses
Le vent la protège
Et le soleil vigilant attend son heure
Nous laissant étendus près de ses épaules
Près du froissement de l'improbable
Un effet de manche
Un pli de bonheur










Plage des Raisiniers
Avril 2016